Crédit photo Par Christophe.Finot via Wikimedia Commons
Les dix jours qui nous séparent déjà de notre Congrès auront été intenses. Ils auront été ceux de tous les rebondissements. A tel point que nous ne serons jamais parvenus, jusque-là, à en figer le sens dans un édito, tant la vérité d’un jour n’était plus celle du lendemain. Nous n’aurions évidemment pas écrit la même chose le 6 juillet, lendemain de la victoire écrasante du « OXI », qui concluait superbement notre congrès en donnant ô combien raison à son titre : « la solution c’est le peuple ». Ni le 8 juillet, jour du début des négociations à Bruxelles, ni évidemment le 13 juillet, sombre lundi de la signature d’un accord pire que le texte battu au référendum… Tout au long de cette période, notre parti se sera cependant efforcé de réagir au jour le jour sur du concret, sur les faits et les textes. Car l’histoire n’en était pas écrite d’avance et nous avons eu pour fil à plomb d’agir en fonction de la solidarité avec le peuple Grec et le plus longtemps possible avec son gouvernement.
Cette méthode nous aura permis, les premiers, d’appeler lundi 13 juillet au vote contre ce que nous avons rapidement décrit comme un coup d’Etat. Nous avons été rejoints en cela rapidement par des personnalités (nos pensons à Marie-George Buffet ou Isabelle Attard) puis progressivement par l’ensemble du FdG. Tant mieux, car le pire aurait été de nous retrouver en la circonstance du côté opposé de la barricade. Ceux qui ont voté oui le 15 juillet auront en effet validé le coup de force de Bruxelles orchestré par Angela Merkel avec la complicité de François Hollande. Ceux qui se seront abstenus auront juste détourné la tête, ce qui n’est guère mieux. Tout au long de la période nous aurons produit communiqués et notes de blog pour comprendre si ce n’est, pour le moment, réellement influer sur la situation. Nous n’aurons pas confondu les victimes, dont Alexis Tsipras, et les bourreaux, les susnommés Merkhollande en tête. La responsabilité de François Hollande aura été immense. Il aura accompagné le chantage au Grexit de l’Allemagne, aura faussement soutenu Alexis Tsipras pour finalement le convaincre qu’il n’y avait pas d’autre alternative que la signature de l’accord ou le Grexit. Une expulsion de la zone Euro qui, rappelons-le, n’est nulle part prévue dans les traités européens.
Difficile de savoir de quoi va être fait la suite. Alexis Tsipras l’a lui-même dit, il ne croit pas dans l’accord. Quoi de plus normal puisqu’il a été élu pour refuser un mémorandum moins dur que ce texte-ci ? Il sait donc que l’activité économique ne rebondira pas avec la cure d’austérité maintenue et des aides financières qui serviront encore, c’est écrit, à rembourser au ¾ les créanciers de la Grèce et non aux Grecs eux-mêmes. Comment les Grecs, à qui Syriza a redonné toute leur fierté et la confiance dans leur souveraineté, vont réagir à la mise sous tutelle de la Troïka ? C’est un des inconnus pour la suite. Pour l’heure le vote du parlement Grec ne sera pas sans conséquence sur le plan national comme international, pour nos adversaires comme pour l’autre gauche en Europe. Dans les faits, un parlement a fini par déjuger un peuple comme le congrès des parlementaires français avait imposé en 2007 le traité de Lisbonne battu, sous le nom de TCE, par le référendum du 29 mai 2005. Sauf que cette fois-ci ce sont les tenants du Non, les « nôtres », qui ont ensuite permis au oui de revenir par la fenêtre parlementaire. Même si, et c’est important pour la suite, le parti Syriza et plusieurs de ses responsables, dont la Présidente du Parlement Zoé Konstantopoulou et Yanis Varoufakis, s’y sont cependant opposés.
Nous aurons le temps dans les semaines à venir de tirer toutes les conséquences de ces dix jours qui ont ébranlé l’Europe. Mais déjà on peut affirmer deux choses.
La première, c’est que la crise de l’UE n’est pas derrière mais devant nous. L’épisode a révélé à une échelle de masse ce que nous disons depuis des mois : il n’y a pas d’UE ni même d’Eurogroupe, il y a une Europe sous domination allemande dans laquelle la géopolitique et le rapport avec la France restent essentiels. Or, même en admettant que le baril grecque n’explose pas dans les semaines à venir, cette Europe des confrontations avec les peuples, qui contourne, nie et broie leur souverainetés, ne pourra pas tenir longtemps ainsi.
La seconde, c’est que les armes de ce coup d’Etat sont le blocus financier et l’Euro. L’Euro c’est le révolver qui a été braqué sur la tempe de Tsipras. Cet Euro est au service d’une politique, l’ordolibéralisme et des intérêts de l’électorat de Mme Merkel. Preuve est désormais faite que l’on ne peut changer de politique dans ce cadre. L’erreur du gouvernement d’Alexis Tsipras est de ne pas voir prévu de plan B. Le pouvait-il vu le rapport de force économique au détriment de la Grèce ? Difficile à dire, nous devrons pour cela échanger rapidement avec nos camarades de Syriza mais aussi de Podemos, à qui nous souhaitons de se retrouver rapidement en charge de leur pays. Par contre, si nous gouvernons demain la France, 2ème puissance économique en Europe aux marges de manœuvre infiniment plus élevées que la Grèce , alors oui il serait une faute de ne pas prévoir de plan B. En effet, nous devrons être en capacité soit d’impulser la transformation radicale et rapide de l’EU et donc de passer d’un Euro Mark à un Euro des peuples, soit d’en sortir. C’est cette mécanique que nous avons adoptée lors de notre congrès. Il nous faut désormais en travailler la méthode avec soin, de façon à la rendre crédible d’ici 2017 voire avant si les événements se précipitent.
C’est justement par notre Congrès que nous finirons ce dernier édito de l’été. Il a montré un Parti de Gauche en bonne santé même si le contexte politique pèse parfois sur nos épaules. Nos débats ont été riches, animés et leurs dénouements parfois serrés. Nous avons désormais un texte d’orientation clair en vue de 2017. Son adoption par 83,63 % des délégué-e-s montre un parti largement homogène sur ce qu’il faut faire. Nous avons aussi revu nos structures et fonctionnement, ce qui devrait garantir au PG encore plus d’efficacité et de démocratie. Nous avons la fierté de coordonner une direction renouvelée de moitié, toujours paritaire et considérablement rajeunie. Cela nous donne de l’appétit pour la suite. Les dix jours qui viennent de se passer montrent qu’il faudra bien cela pour l’aborder. Le PG est certes un outil et non une fin en soi, mais il nous apparaît comme toujours plus indispensable dans la situation. Il a désormais pour volonté d’oeuvrer à un mouvement citoyen dont nous essaierons d’accélérer la naissance dès la rentrée par des initiatives. En attendant que chacun reprenne des forces pour la rentrée.
Eric COQUEREL et Danielle SIMONNET coordinateur/trices du Parti de Gauche