Le 11 septembre 1910 Jules Durand, syndicaliste libertaire est arrêté, accusé d’« incitation et complicité de meurtre sur la personne de Louis Dongé ».
Quelques mois plus tôt, à la mi-août 1910, le syndicat des ouvriers charbonniers du Havre débutait une grève illimitée « contre la vie chère, pour une hausse des salaires et le paiement des heures supplémentaires ». Pour contrer ce mouvement de grève, les compagnies portuaires et maritimes havraises décident d’embaucher des hommes, anti-grévistes, qui sont payés jusqu’a 3 fois plus cher que les ouvriers habituels. Les tensions s’accumulent entre les grévistes et les non-grévistes, surnommés « les renards ». Le 9 septembre une rixe éclate sur le port entre 3 charbonniers grévistes et Louis Dongé, un contremaître non-gréviste. Au cours de la rixe, Louis Dongé sort un revolver, les trois autres se précipitent pour le désarmer et le frappent. Il meurt le lendemain. Les 3 ouvriers sont arrêtés, ainsi que Jules Durand en tant que représentant du syndicat. Il est notamment reproché à Jules Durand d’avoir déclaré lors d’un meeting que Louis Dongé serait « supprimé ».
Lors du procès, Jules Durand est nommément désigné par une dizaine de charbonniers, non grévistes, comme étant le commanditaire du meurtre. Aussi malgré les doutes du chef de la sûreté, les incohérences dans les témoignages et même la perte du dossier d’instruction, le 25 novembre le jury condamne Jules Durand à la peine capitale pour complicité d’assassinat.
A l’annonce du verdict une grève générale de vingt-quatre heures en soutien à Jules Durand paralyse Le Havre. Jean Jaurès prend sa défense et à travers lui celle de la classe ouvrière organisée dans les colonnes de l’Humanité en écrivant « Bien des jugements rendus contre des grévistes sont d’un arbitraire aussi violent». Finalement gracié par le président Armand Fallière, Jules Durand est libéré le 16 février 1911 et il sera définitivement reconnu innocent le 15 juin 1918 par un arrêt de la Cour de cassation qui atteste l’utilisation de faux témoignages.
Qualifié « d’affaire Dreyfus du pauvre », l’histoire de Jules Durand nous rappelle quels procédés sont employés contre les combattants de la classe ouvrière, aujourd’hui comme hier.