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Sep 21

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Leçons de Grèce • Il faut un plan B

Débat : Pour un Sommet du Plan B en Europe

La signature par le gouvernement Tsipras de « l’accord » du 13 juillet est une victoire de l’Europe allemande sur la résistance à l’austérité et la démocratie. Cet épisode et les six mois qui l’ont précédé sont riches d’enseignements.

La fin du mythe européen : le gouvernement Syriza du 25 janvier aura eu un grand mérite : Mettre crûment à nu plus le mensonge de ceux qui prétendent que l’Union européenne (UE) est synonyme de démocratie et de coopération. Les chantages, menaces, diktats sont apparus au grand jour, jusqu’à l’arrogance du ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble qui voulait faire domicilier le fonds de privatisation grecque dans le paradis fiscal luxembourgeois !

L’UE n’est pas un partenaire ni un atout pour un gouvernement de l’autre gauche. L’expérience grecque ne laisse aucune place au doute ! Ce sont des adversaires déterminés. Les eurocrates n’ont eu qu’une peur : la « contagion ». Pour eux, il ne s’agissait pas de régler les problèmes de la Grèce mais d’empêcher que la victoire de Syriza ne soit un encouragement pour d’autres en Espagne, Irlande, France. C’est le sens des propos de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, déclarant qu’ « il ne peut y avoir de choix démocratiques contre les traités européens ».

La BCE, putschiste en chef. 15 jours après la victoire de Syriza, la Banque centrale européenne (BCE) tirait la première salve de son coup d’État financier. Le 11 février, elle a coupé le principal canal d’accès aux liquidités pour les banques grecques et plafonné les titres de dette publique grec échangeables contre des euros. Elle faisait d’une pierre deux coups : empêcher le gouvernement de se financer librement auprès de ses banques nationales, et mettre tout le système bancaire grec sous la menace d’un blocus monétaire au gré du relèvement du plafond de liquidités d’urgence. Elle a utilisé à fond cette tactique du waterboarding, torture consistant à simuler la noyade. En 2012, elle avait porté les liquidités d’urgence accessibles aux banques grecques à 135 milliards d’euros. Cette année, elle a bloqué le plafond à moins de 100 milliards !

L’Europe allemande. Dans cette lutte implacable, le gouvernement allemand a tenu le bâton. Comme l’a dit le philosophe allemand Jürgen Habermas : « le ministre des Finances Schäuble (…) s’est assumé sans vergogne comme le maître de discipline de l’Europe. Le gouvernement allemand a ainsi revendiqué pour la première fois une Europe sous hégémonie allemande ». Et en prime, les entreprises et collectivités locales allemandes profiteront à plein des privatisations grecques (aéroports…).

Si l’Allemagne a été si forte, c’est parce que personne ne s’est opposé à Merkel. Et notamment parce que la France a été vassalisée par Hollande et Sarkozy. En acceptant le traité de Lisbonne en 2008 et le traité budgétaire en 2012 contre les votes des Français, les monarques républicains ont volontairement étouffé le souffle populaire de la contestation du libéralisme et de l’austérité. Ainsi, le président du groupe PS à l’Assemblée Bruno Le Roux se félicitait que sous François Hollande « le rôle de la France [ait] été de permettre à l’Allemagne de trouver l’accord qui était nécessaire à l’Europe ».

Le FMI n’a pas changé. Il est l’un des principaux responsables du nouveau mémorandum. Il prétend vouloir restructurer la dette grecque. Mais il se contente d’appeler les européens à renégocier la dette qu’ils détiennent, sans jamais proposer de restructurer celle qu’il détient lui-même. Or c’est bien cette dette là que le gouvernement Tsipras a principalement remboursé entre janvier et juin, celle-là qu’il n’a pas pu payer en juin, celle-là encore qui est principalement due par la Grèce dans les années qui viennent (9 milliards d’euros cette année !). Le FMI a aussi insisté pour des réformes toujours plus brutales des retraites ou du marché du travail. On comprend mieux pourquoi Angela Merkel a imposé la présence du FMI dans le plan de sauvetage.

La question centrale c’est la dette. De janvier à juin, Alexis Tsipras a négocié tout en continuant à rembourser notamment le FMI. Cette stratégie conciliante lui a permis de gagner du temps mais n’a en rien adouci la position de l’UE ni du FMI. Les négociations ont vraiment débuté en juin après le refus du gouvernement grec de payer une échéance au FMI et alors que la fin du programme d’aide faisait planer le risque d’un défaut sur la dette de la BCE. Si le gouvernement grec a légitimement rappelé les dettes de guerres nazies, il ne s’est pas saisi de l’audit de la dette grecque réalisé par une commission parlementaire et a toujours demandé une restructuration négociée. Or la dette grecque était insoutenable dès janvier comme Tsipras l’a dit (elle atteignait alors 177% de la richesse annuelle produite par le pays). Elle le sera encore plus avec le nouveau mémorandum. Le FMI estime qu’il la portera à 200% du PIB d’ici 2017 ce qui est « totalement non-viable ». L’accord du 13 juillet prévoit d’aborder la question de la dette en novembre. Mais c’est un engagement conditionné à la mise en œuvre du plan d’austérité et à un accord de l’Eurogroupe. Alors que la dette grecque est surtout détenue par les autres Etats européens, nul doute que la menace d’un défaut volontaire aurait précipité la discussion sur ce sujet. Un moratoire sur les remboursements aurait lui préservé des liquidités pour affronter les sanctions de la BCE.

Le réveil des nations. Cette crise marque aussi l’échec des mobilisations progressistes en Europe. Les manifestations de solidarité n’ont jamais rassemblé que quelques milliers de personnes. Le Parti de la Gauche Européenne n’a pas impulsé de démarche d’ampleur au-delà de déclarations. Le gouvernement grec s’est isolé dans la recherche d’appuis hypothétiques parmi les sociaux-démocrates pour finir sans aucun gouvernement allié en Europe et sans solidarité populaire de masse capable de peser dans le rapport de force. Sa seule arme était in fine le soutien du peuple grec, bien au-delà de l’influence politique de Syriza d’ailleurs comme en a témoigné la très large victoire du « non » au référendum du 5 juillet contre l’ultimatum de la troïka (61% de « non »).

La rupture se pense et se prépare. Alexis Tsipras l’a dit et répété pendant la négociation et après, il n’avait « pas de plan B ». Le 20 août, annonçant sa démission, il a reconnu « ne pas avoir anticipé la réaction violente que nous avons subi ». Bien sûr, la démarche de Syriza était inédite. Mais le coup de force contre Chypre en 2013 ne laissait guère de doute sur ce qui attendait Syriza. Désormais, les forces de l’autre gauche en Europe ne pourront plus dire qu’elles ne savaient pas à quoi s’attendre. Elles doivent donc se préparer à toutes les hypothèses. Et avoir un plan B au cas où elles n’obtiendraient pas la renégociation espérée des règles européennes. Ce plan B ne peut pas s’improviser une fois mis au pied du mur. Il se prépare. Il est la condition pour ne pas craindre la sortie de l’euro, et ainsi priver l’UE de sa principale menace.

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