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Juin 12

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De la solidarité avec les réfugiés


Crédit photo Sandra Regol

J’ai entendu pas mal de choses depuis plusieurs jours à propos des migrants dispersés autour du quartier populaire de La Chapelle dans le 18ème arrondissement. Cette note rapide, d’un citoyen parisien, responsable politique et élu régional engagé dans la solidarité avec eux, a pour vocation première de rectifier certains faits, approximations voir des mensonges.

Oui les 200 migrants qui se retrouvent à la rue sont bien, pour la plupart, des laissés pour compte de l’évacuation « sanitaire » de la Chapelle. Et de ceux qui, bénéficiant de deux ou trois nuits d’hôtel se sont ensuite retrouvés dehors sans solution.

Mais prenons garde avec cette appellation « ceux de la Chapelle » : ce campement n’était pas officiel. Il était donc mouvant dans sa composition. En outre des migrants dans la même situation que ceux de la Chapelle sont dans d’autres lieux à Paris. Leurs problèmes et leur situation ne sont pas pour autant différenciés. C’est le cas par exemple pour les « camps » d’Austerlitz, La Villette ou de la Gare de Lyon.

Oui ils prétendent bien au droit d’asile. La plupart sont des Soudanais et Erythréens. Ils peuvent donc se revendiquer légitimement du droit d’asile vu la situation dans leur pays. Le Préfecture et M. Cazeneuve ont donc émis des mensonges lorsqu’ils ont expliqué mardi qu’aucun des migrants arrêtés après l’évacuation policière de Pajol ne demandait le droit d’asile. En réalité ce doit est complexe à obtenir et nécessite notamment d’avoir une domiciliation (or les associations accordant des domiciliations pour les sans abris, migrants ou pas, sont sursaturées) Comment les migrants de Pajol pouvaient-ils obtenir cette preuve en une soirée au commissariat ou en centre de rétention ? C’est le serpent qui se mord la queue.

Non les habitant-e-s, militant-e-s, élu-e-s qui depuis une semaine se mobilisent auprès des migrants, et sont mêmes victimes pour certains de violences répressives, ne sont pas les responsables de la situation ! Paradoxe d’entendre un gouvernement socialiste utiliser les arguments servis par la droite en 1996 contre les soutiens de St Bernard dont le PS faisait partie ! Les seul-e-s responsables sont les pouvoirs publics qui ont expliqué avoir réglé, à grand renfort de communication, la question des migrants du camp de la Chapelle et qui tournent le dos quand ils réapparaissent dans la rue. Les seuls responsables sont ceux pour qui la fonction régalienne de l’Etat en la circonstance se résume en une répression aveugle et d’autant plus stupide qu’elle ne règle rien.

Non on ne peut oser parler d’appel d’air provoqué par l’ouverture de quelques centres d’accueil. Un migrant partant de son pays au risque de sa vie en Méditerranée (2000 naufragés depuis le début de l’année soit une des plus grandes catastrophes maritimes en temps de paix) n’émigre pas en fonction d’un centre d’accueil ou pas, ses motivations sont vitales.

Oui la responsabilité de la France est engagée. Il n’y aura aucune solution si la France et l’UE n’essaient pas d’intervenir sur les raisons poussant ces migrants à partir de leur pays. Car notre responsabilité est forte. La France, l’UE, en s’engageant dans des solutions militaires sous égide de l’ONU, n’ont rien réglé mais au contraire tout aggravé. L’UE en imposant le libre échange a ces pays a participé à la ruine de leur économie notamment en matière de souveraineté alimentaire. Les pays occidentaux en ne prenant aucune mesure sérieuse contre le réchauffement climatique sont responsables des dérèglements importants (sécheresse) qui touchent en premier des pays participant pourtant infiniment moins aux émissions de CO2. Enfin, au lieu de poursuivre l’opération Mare nostrum, coopération entre les deux rives de la Méditerranée pour gérer la question des migrants de façon un peu plus humanitaire, l’UE a misé sur une répression visant à y édifier un « mur » avec l’agence Frontex. Soit l’échec assuré, en plus du déshonneur. Cette « philosophie » a en effet conduit des navires à ne pas tenter de sauver des bateaux naufragés ce qui est contraire au droit maritime international en matière de sauvetage en mer.

Non la France ne prend pas « sa part ». Rien ne sera réglé donc sans intervenir à la source. Mais il faut aussi répondre à la situation actuelle. On ne peut pas laisser la Grèce et l’Italie gérer seuls, leur arrivée. Hier on comptait 48 000 migrants sur l’ile de Lesbos, dans un pays dont on connaît la situation économique. Voilà encore une dette envers la Grèce que l’UE omet de comptabiliser… La France doit donc prendre sa part car elle est, question droit d’asile, un des mauvais élèves de l’Europe. Elle n’accepte ainsi même pas 20 % de ceux qui y prétendent. Quelle différence avec l’enthousiasme avec laquelle, elle a accepté plus de cent milles « boat peole » fuyant le Cambodge dans les années 70 ! Au plan européen ce sont 200 000 de ces migrants qui sont arrivés l’an dernier de cette région du globe : une goutte d’eau si on veut parler sérieusement au regard des près de 750 millions d’européens !

Oui les pouvoirs publics n’ont rien fait. Au lieu de cela, le gouvernement de la 2ème puissance économique en Europe et la Mairie d’une des villes les plus riches du monde n’ont rien proposé depuis des jours. On a laissé à des habitants, associations et partis politique le soin de gérer la situation. Aucune administration n ‘a mis quoi que ce soit à disposition de ces migrants durant ces dix derniers jours (poubelles, aide sanitaire, nourriture, aide médicale etc…).

C’est finalement le président d’une petite association gérant un jardin partagé (boisdormoy) qui a accepté d’ouvrir ses portes ! Dans des conditions évidemment impropres à l’hébergement d’environ 150 migrants en plein air. Jeudi, en accord avec ces derniers et leurs soutiens, il a donc décidé de rendre son jardin à son occupation première. On connaît la suite et l’occupation temporaire d’une caserne de pompier désaffectée dans le 10ème arrondissement jeudi soir.

Oui, seule la mobilisation a commencé à faire bouger des choses.

Mme Hidalgo a du admettre mardi, lendemain de l’opération de police, qu’il fallait envisager l’ouverture d’un lieu collectif provisoire pour examiner les cas de ces migrants. Le gouvernement n’a manifestement pas apprécié, préférant afficher la fermeté policière que l’on sait. Il est vrai qu’à Sivens, il a déjà montré jusqu’où il pouvait aller pour montrer ses muscles sécuritaires.

Jeudi soir, la Mairie proposait enfin une première fois 50 hébergements à Nanterre puis dans la soirée 110 (dans plusieurs endroits à Paris et un à Nanterre) assortis de promesse de solution pérenne. Après discussion entre eux, les migrants décidaient collectivement d’accepter cette proposition.

C’est donc une première victoire, la preuve que les autorités publiques peuvent céder. Il faut évidemment poursuivre la mobilisation pour que les dizaines de migrants actuellement dans un autre jardin du 18ème puissent bénéficier du même type d’hébergement que les 110 dans un premier temps mais que, surtout, les promesses de solutions pérennes soient effectives. Ce ne sera qu’un début : la France doit ouvrir des centres d’accueil de façon à gérer de façon humaine et respectueuse, ces réfugiés.

C’est dans cet objectif que plusieurs organisations dont le PG ont rédigé ce matin le communiqué que vous trouverez ici.

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