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Juin 29

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¡ Ahora Guéret ! • Les services publics, biens communs

gueret Dix ans après la grande manifestation nationale de défense des services publics qui avait donné lieu à la création de la Convergence Nationale de défense et de développement des services publics, 6000 personnes se sont rassemblées le 13 juin à Guéret pour défendre à nouveau le service public.

Il y a 10 ans, il s’agissait de s’opposer aux fermetures de services publics mises en œuvre par la droite. Hôpitaux de proximité, lycées professionnels, bureaux de poste, perceptions…

Tous les services publics attachés à l’idée de la République étaient attaqués.

10 ans plus tard, non seulement le gouvernement de Hollande n’est pas revenu sur ces suppressions mais il les a encore aggravées. Ce que la casse systématique des services publics dit en creux c’est l’abandon de l’objectif d’égalité des citoyens. À la place, en guise d’idéal, la réduction des déficits et l’obsession de la compétitivité. 

Les services publics subissent de plein fouet les cures d’austérité successives, mues par la volonté de ne surtout pas reprendre la part croissante de la richesse produite qui s’envole dans les revenus du capital. Rien n’y échappe. L’accès à la culture est comme d’habitude la première victime. Dernièrement, c’est un plan de coupe dans les dépenses de l’hôpital de 3 milliards d’euros qui a été annoncé. Cela représente 22 000 emplois alors même que l’application des 35h sans embauche a généré une situation de tension insupportable pour les personnels. Partout le malaise des professions médicales se fait entendre : à des conditions de travail impossibles s’ajoute la souffrance de n’avoir pas les moyens de consacrer du temps aux patients dont ils ont la charge. Partout, dans tous les services publics c’est le même constat : manque de personnel, manque de moyens, fermetures de sites, entretien négligé… tout est bon pour alimenter les réductions d’impôts consenties aux entreprises sans contrepartie par le pacte de responsabilité.

Il ne s’agit pas simplement d’une restriction consentie sous la contrainte d’une conjoncture mauvaise. Il ne s’agit pas d’attendre des jours meilleurs où on pourra enfin consacrer les moyens nécessaires aux services publics. Ceux qui le prétendent sont de fieffés menteurs. Ils masquent par des larmes de crocodile le changement profond d’orientation des politiques publiques. Ce qui anime le gouvernement Hollande-Valls comme les précédents c’est l’adhésion à un vrai projet : celui de la libéralisation et de la dérégulation. A l’échelle de l’Union Européenne, c’est l’idéologie du marché qui domine. Les services sont donc potentiellement considérés comme des biens marchands, et le traité TISA (Accord sur le commerce des services) négocié par l’UE avec l’aval de la France ne devrait rien laisser hors de la fureur libre échangiste.

Ainsi le cas des services publics de réseau : réseau de transport ferroviaire, autoroutier, réseau de distribution d’énergie, réseau de télécommunications… tout y passe ! Et pour cause, les réseaux sont le moyen essentiel du développement des profits. En ce qui concerne le ferroviaire par exemple, la réforme de 2014 a entériné la séparation entre les activités de gestion du réseau et les activités de transport, dans la droite ligne des « paquets ferroviaires » successifs, œuvre de la commission européenne et dont le but est l’ouverture totale à la concurrence du transport d’ici 2019. Le récent rapport Duron enfonce le clou : on remplacera des lignes Intercités non rentables par du transport par car. Séparer les lignes rentables des lignes non rentables prépare la privatisation d’une entreprise qui n’a plus depuis longtemps de réel projet de service public. A six mois de la COP21, comment mieux dire l’abandon d’une réelle politique ambitieuse de développement du transport ferroviaire ? Rappelons aussi que ces merveilleuses recettes sont notoirement inefficaces. Ainsi depuis la libéralisation du fret ferroviaire, celui ci a reculé au profit de la route !

Par la même occasion, le gouvernement fait une croix sur l’idée d’aménagement du territoire. Abandonner la proximité c’est abandonner l’égalité. C’est passer à un mode de développement centré sur la concentration des capitaux et des habitants autour de grandes métropoles, et renoncer à faire des territoires ruraux des lieux de socialité heureuse.

Ce qui est à l’œuvre c’est une transformation majeure du sens du service public : il n’est plus en soi l’objectif d’une puissance publique soucieuse de répondre aux besoins sociaux et environnementaux. Il devient le moyen de la compétitivité, dans un espace européen voué à la concurrence. C’est particulièrement vrai pour les collectivités locales depuis quelques années, dans une tendance amplifiée dans la loi NOTRe : c’est le cas des Régions qui ont en charge le « développement économique » et organisent leur action à partir de cet objectif. Ainsi, elles financent les universités, délaissées par l’État, sur des projets de recherche appliquée susceptibles de générer de la valeur ajoutée sur leur territoire. C’est la recherche fondamentale qui en pâtit !

Il ne faut pas en conclure que la lutte pour le service public est seulement défensive. Car ce que dit la manifestation de Guéret c’est l’aspiration à une refondation du pacte social autour du partage des richesses et de l’égalité. Les yeux se dessillent sur le caractère scandaleux des profits amassés à un bout de la chaîne pendant qu’à l’autre bout des besoins fondamentaux ne sont pas satisfaits.

C’est le sens de l’appel de Guéret du 14 juin, à faire de 2016 l’année des services publics. Il s’agit ici de partage des richesses, et donc de construire la mobilisation populaire pour reprendre aux 1% la richesse indue qu’ils accumulent sur le dos des 99%. Mais plus encore, il s’agit de redonner un contenu positif à cette exigence d’égalité. Quand on réclame l’égalité de traitement, la solidarité, la proximité dans l’accès aux services publics on réinvente l’idée qu’il doit y avoir des biens communs, non appropriables, gérés dans l’intérêt de tous et qu’il doit être possible de promouvoir le partage contre la cupidité.

Ainsi l’appel de Guéret est un appel à la reconquête. Une invitation à revendiquer la re-création des services publics détruits et la création des nouveaux services publics de demain. Face à la crise climatique et à la bifurcation dans laquelle notre système productif doit engager, le service public est l’outil de la planification écologique. Reconstruire un pôle public de l’énergie, des télécommunications et une politique ferroviaire digne de ce nom en est le premier pas. Pour répondre aux besoins sociaux, il faut redonner à l’Éducation Nationale, à l’hôpital, à la justice, à la culture, etc. les moyens d’agir en dégageant les marges de manœuvre budgétaires par une véritable révolution fiscale. Plus encore, le service public pourrait bien être l’outil de la réappropriation démocratique : gérés démocratiquement, par les usagers et les salariés, ils pourront devenir l’outil de l’implication citoyenne. Une véritable bataille écosocialiste.

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