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Juin 25

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Pour François, • De souffle et de feu

image11.jpg Avec la disparition de notre camarade François Delapierre, « A Gauche pour la 6e République » a perdu samedi 20 juin son directeur et son éditorialiste. Jusqu’au dernier souffle il a supervisé chaque semaine la conception militante du journal avec nous. Angles, thèmes, choix des rédacteurs, maquette, délais, il n’a jamais rien laissé au hasard depuis que Jean-Luc Mélenchon lui a confié il y a 15 ans la direction de son journal.

Dépassant les cadres politiques du combat de chaque époque, tout en se mettant au service des militants, il veillait à ce que le journal voit large et loin. Et il savait trouver, même dans les périodes les plus sombres, l’énergie positive capable d’entretenir le feu de l’action consciente et argumentée chez le lecteur.

Nous lui consacrerons un numéro spécial dans les prochaines semaines. Dans l’immédiat nous avons jugé que ce sont ses propres textes qui transmettraient le mieux le souffle de sa pensée et de son action. Nous en proposons ici une première sélection. Elle combine des fondamentaux théoriques et des analyses de tournants historiques de notre combat.

Dans la fidélité au matérialisme révolutionnaire qui cherche sans cesse les moyens de transformer les idées en forces matérielles, il nous lègue de précieux outils pour continuer la bataille culturelle sur laquelle repose toute action politique. Nous nous efforcerons d’être dignes de ce qu’il nous a appris.

L’équipe de la rédaction : Laurent Maffeïs, Christiane Chombeau, Aigline de Causans, Charlotte Girard, Matthias Tavel

Retour aux fondamentaux

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Qu’est-ce que la République sociale ?

« Étudions les liens qui rattachent le projet républicain et le combat pour l’égalité sociale, et partant de là, le républicanisme et le socialisme. […] Il n’y a pas d’un côté l’idéal socialiste et de l’autre l’idéal républicain, qui seraient séparés l’un de l’autre, et pourraient au mieux engager un dialogue. Le social-républicanisme dont nous nous réclamons n’est pas cette sorte de mille-feuille, « une couche de socialisme, une couche de République », que bâtissent habituellement ceux qui se piquent de mettre un peu de république dans leur socialisme. Le projet de la République sociale part au contraire de la compréhension du lien intime, vivant, parfois problématique entre des traditions qui se présupposent, s’épaulent, se renforcent, se recouvrent ou se complètent bien plus finalement qu’elles ne s’opposent ou se distinguent.

La Grande Révolution l’annonçait déjà. Moins d’un an après l’abolition de la royauté, la Constitution de 1793 s’ouvre sur la première déclaration des droits de l’homme comprenant, au milieu des droits politiques, la proclamation de droits sociaux : droit au travail ou au secours, non reconnaissance de la domesticité. Les constituants de l’époque n’ont pas jugé bon de séparer en deux parties distinctes droits politiques et droits sociaux. Rédigée au paroxysme de la Révolution, la première constitution républicaine du pays les tient pour indissociables. C’est dans le courant de la contre-révolution thermidorienne, de l’Empire et des restaurations de la « monarchie constitutionnelle » que la bourgeoisie de l’époque va s’attacher à dissocier méthodiquement ces deux dimensions. Faut-il que la vision des révolutionnaires français soit puissante et ancrée dans une réalité indépassable car le peuple par-delà les générations, alors même que ce lien est nié, caché, réprimé, le fait ressurgir un demi-siècle plus tard lors de la Révolution de 1848. Alors est utilisé pour la première fois le terme de République sociale qui annonce et appelle la naissance du mouvement socialiste organisé de manière distincte des républicains bourgeois.

Aujourd’hui, dans le contexte d’un nouvel âge du capitalisme, malgré là encore un travail de déculturation politique qui ne manque pas de relais à gauche, les combats du peuple rappellent ce lien entre l’émancipation sociale et la forme républicaine du pays. Les grèves du printemps 2003 (en particulier contre la décentralisation dans l’éducation), le mouvement lycéen de défense du baccalauréat en 2005, le contenu républicain de la campagne du « non » de gauche à la Constitution européenne (chacun y aura noté la fusion des arguments démocratiques et sociaux ainsi que le poids politique et symbolique des référence à 1789) montrent qu’il y a dans la tradition républicaine et sociale du pays le socle d’une hégémonie culturelle alternative possible face à celle du néo-libéralisme triomphant. […]

Comment la gauche française peut-elle se nourrir de l’histoire particulière du pays pour convaincre et entraîner la grande masse du peuple ? Peut-on revisiter la pensée socialiste pour y intégrer la dimension entière de l’émancipation des personnes et répliquer à un néo-libéralisme qui se présente comme un moyen de la libération des individus ? Le social-républicanisme ouvre des perspectives politiques, stratégiques, programmatiques, idéologiques extraordinairement fructueuses à la gauche française au moment où nombre de ses militants et responsables se sont installés dans un confort impuissant qui consiste à rejeter toute vision globale. […] ».

Édito de revue PRS n°4, septembre 2005 « La république sociale – une histoire, un projet ».

Vite la révolution citoyenne !

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Comment rendre le pouvoir au peuple ?

« Rétablir la souveraineté du peuple face à l’oligarchie semble aux yeux du plus grand nombre une tâche insurmontable. Pourtant il n’en est rien. Cette idée que le pouvoir oligarchique est indéboulonnable est une simple croyance. Elle ne découle pas d’une analyse rationnelle mais du travail d’inculcation mené aujourd’hui comme hier par les appareils idéologiques dominants. Et notamment par un système médiatique qui fonctionne désormais en continu 24 heures sur 24, comme les marchés financiers qu’il sert. C’est lui qui répand dans les têtes ce refrain débilitant : « le peuple doit renoncer à diriger car les contraintes internationales sont trop fortes, le monde trop complexe, les expériences révolutionnaires tentées jusqu’ici bien trop désastreuses… ». Conséquence de ce bourrage de crâne, seule une minorité de citoyens s’active politiquement et s’implique consciemment pour une exigence démocratique que partagent pourtant des masses immenses.

En fait, quand on examine concrètement les moyens de combattre l’oligarchie et d’établir la souveraineté du peuple, on voit que la tâche est parfaitement à sa portée et à celle d’un gouvernement déterminé à le servir. Bien sûr cela serait une révolution, c’est-à-dire un changement radical des institutions, des rapports sociaux et de la culture dominante. Mais elle est tout à fait réaliste. Elle peut se décliner en mesures claires et précises :

  • une Constituante pour refonder notre système politique,
  • la planification écologique pour faire bifurquer nos modes de production, d’échange et de consommation,
  • la renationalisation de la monnaie et du crédit pour que la volonté du peuple puisse gouverner face aux banques,
  • le partage des richesses pour briser les reins d’une accumulation destructrice,
  • la sortie du traité de Lisbonne pour donner une issue progressiste à la crise européenne.

Cette révolution en cinq points, tout à la fois sociale, économique, politique et culturelle, peut être résumée par un adjectif. Il s’agit d’une révolution citoyenne, chacune de ses réalisations contribuant à restaurer le pouvoir et la dignité du citoyen, dans ses dimensions d’électeur éclairé, de personne dotée de droits sociaux, d’être libre capable de formuler l’intérêt général et de l’imposer aux intérêts particuliers.

Ajoutons que cette révolution citoyenne n’est pas seulement réaliste du point de vue de l’action pratique d’un gouvernement. Elle l’est aussi du point de vue des rapports de force politiques qui en sont la condition. Car nous sommes entrés dans un moment particulier où les aspirations élémentaires de la société ne peuvent plus être satisfaites dans le cadre du système en place. Un changement politique radical est devenu indispensable. Et la conscience de cette nécessité se développe.

Le combat pour le partage des richesses qui fonde le mouvement ouvrier et traverse toutes les sociétés capitalistes se heurte aujourd’hui de manière visible à un blocage politique. La redistribution fiscale comme la sauvegarde et le développement des services publics sont empêchés par la colonisation de l’État opérée par les intérêts privés qui se révèle publiquement de la table du Fouquet’s à la cuisine des Bettancourt. Beaucoup de nos concitoyens sentent ou savent que cette mise sous influence atteint désormais les principaux dirigeants des principaux partis politiques. C’est un fait connu que les activités de Strauss-Kahn et Aubry ont été financées par des membres éminents de l’oligarchie, qu’ils se soient appelés Lévy ou Bébéar. Pour briser le pouvoir de l’oligarchie, il paraît donc nécessaire à un nombre considérable de nos concitoyens d’en finir à la fois avec le régime et la classe politique qui l’a porté.

De même, la crise globale du capitalisme prend aujourd’hui au plan international et notamment européen la forme d’une crise des dettes publiques. C’est une forme directement politique puisqu’elle remet en cause la souveraineté populaire. Elle le fait même d’une manière inouïe. Les administrations grecques mises sous tutelle du FMI et l’imposition d’un véritable tribut au peuple grec ont pour seuls précédents des cas d’occupation par une puissance étrangère. Cette logique est en marche dans toute l’Union Européenne avec le « pacte euro-plus » qui vise à contourner les institutions politiques pour imposer les politiques néo-libérales que les peuples ont rejetées dans les urnes. Or comme l’histoire l’a montré, en France mais pas seulement, la contrainte extérieure exercée contre un peuple est un puissant détonateur révolutionnaire. »

(Extrait À Gauche – la revue, 6 mai 2011)

Présidentielle – Effondrer les obstacles et balayer les débris

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« La déclaration de candidature de Jean-Luc Mélenchon et le vote du Conseil national du PG ne sont pas d’abord des tournants personnels ou des épisodes de notre vie interne. Ils sont un moment de notre bataille publique pour ouvrir dans ce chaos une voie navigable. La sortie n’est pas tracée. Il faut un brise glace pour s’en frayer une. La révolution citoyenne doit effondrer les obstacles et balayer les débris. Ainsi le peuple pourra déterminer librement la voie à prendre. Le profil est tranchant et le restera donc. Notre source d’énergie est le peuple lui-même »

(Extrait de l’édito, À Gauche n°1244, 28 janvier 2011).

Bastille 18 mars 2012 – Place au peuple !

Surgissement populaire inédit en pleine campagne présidentielle, la marche pour la Sixième République a rempli deux fois la place de la Bastille au point que le discours de Jean-Luc Mélenchon a dû y être rediffusé pour tous ceux qui n’avaient pas pu y accéder. […] Nous n’étions pas dans un meeting électoral immense et en plein air. Il s’agissait d’autre chose, de l’ordre de l’insurrection citoyenne.

Pour bien décrire ce phénomène, partons de choses connues. Il y avait dans ce dimanche un air de grève ouvrière. Ce moment où les travailleurs disent « ça suffit ». Où celui qui trime relève la tête, cesse de consentir à l’ordre patronal et en sacrifiant sa paie se choisit d’autres normes. A quatre semaines du premier tour de la présidentielle, la rivière est sortie de son lit. Elle a débordé les frontières si bien gardées entre lutte sociale et combat électoral. Elle s’est émancipée du combat de personnes asséchant dont la Cinquième République a fait le temps central de la vie politique. Elle ne se satisfait pas de la proximité de l’alternance et réclame sans attendre une vraie alternative. C’est une révolution citoyenne.

(Extrait de l’édito, À Gauche n°1296, 23 mars 2012)

Marche du 5 mai 2013 – Du balai

« En politique comme en optique, l’image que l’on se fait du réel dépend de l’œil qui le regarde. […] La révolution commence donc dans notre regard. N’épousons en rien la vision bornée des médiacrates. La marche du 5 mai n’est pas un « bon coup ». Elle n’est pas seulement la preuve du sens stratégique de ses initiateurs. Même si pour passer le balai, je veux bien reconnaître que nous ne sommes pas manchots.

Jamais sous un gouvernement PS le pays n’a connu une telle mobilisation à gauche. Cette marée citoyenne est inédite par son ampleur : 180 000 personnes (dont 30 000 avec des balais selon le ministère de l’Intérieur). Elle est aussi inédite par son objet. Des projets de loi contestés ont déjà rencontré l’hostilité de foules importantes. Mais cette fois le mot d’ordre était beaucoup plus général : changer de politique et même d’institutions. […]

Par rapport à quel objectif analyser et projeter cette force ? Là encore, le nôtre. Les commentateurs officiels nous évaluent en points de notoriété, de popularité, en maroquins ministériels. Notre baromètre n’est aucun de ceux-là. C’est l’avancement du processus de révolution citoyenne. Les journalistes qui se demandent ce que nous attendons de Hollande ne nous comprennent pas. Nous n’en attendons rien ! Nous construisons un rapport de forces pour révolutionner ce pays.

Que ceux qui nous traitent de populistes croient un instant à leurs propres écrits. Ces moutons de Panurge ignorants en trouveront le sens dans le dictionnaire. Les populistes sont ceux qui fondent leur stratégie politique sur l’appel au peuple. C’est ce que nous faisons. La révolution citoyenne repose sur l’implication des citoyens. Bien sûr elle passera par les urnes. Celles-ci sont centrales… dans le processus qui les intègre. C’est-à-dire que la révolution citoyenne ne se résume pas à un vote. L’élection en est une étape, parce qu’elle révèle et accélère à la fois la prise de conscience sans laquelle il n’y a pas de prise de pouvoir. »

(Extraits de l’édito, À Gauche n°1347, 10 mai 2013 »

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Edition Spéciale A Gauche

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