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Juil 10

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Témoignages de galères à Saint Denis • Les sacrifiés de la sécurité sociale dans le 93

cpam_2.jpg Les militants du Parti de Gauche du 93, participant activement à la lutte contre la fermeture des antennes de la CPAM dans le département, sont allés recueillir la parole des citoyen-ne-s.

5700 personnes se rendent chaque jour dans une antenne de la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance maladie) de Saint Denis. Un nombre impressionnant, qui n’a cependant pas empêché les pouvoirs publics de décider unilatéralement de fermer 18 des 33 antennes de la Sécurité Sociale dans le 93, en prétextant, sans rire, qu’il s’agit d’une « réorganisation en vue d’une amélioration ». On prétexte la généralisation d’un passage à Internet notamment… C’est ignorer et mépriser la situation des habitantes et habitants de St Denis, qui pour beaucoup d’entre eux n’ont pas Internet, ou ne maîtrisent pas les subtilités administratives et on besoin d’un réel interlocuteur, voire ne maîtrisent pas le français. Mais ces considérations n’intéressent pas nos dirigeants : les habitants de St Denis sont très généralement des pauvres, des immigrés, des personnes qui très souvent ne votent pas ou ne sont pas inscrites sur les listes électorales, bref des personnes « sans intérêt ».

Fermer les antennes de la Sécurité Sociale peut sembler anodin, ou un ennui administratif de plus pour un parisien lambda et sociologiquement intégré. C’est une catastrophe pour ces dionysiennes et dionysiens, qui souffrent déjà de la baisse constante du service public, et de la disparition des services de proximité. Nous sommes allés leur parler, pendant leur longue attente, à une des antennes de St Denis.

Suyrikemra, 38 ans « C’est pas grave pour eux, ceux qui décident, mais c’est grave pour nous »

« Le centre chez moi était fermé, et j’ai dû venir ici. Il m’a fallu une heure pour faire la queue et avoir un ticket, une heure d’attente. Ça m’a pris deux heures, en plus des vingt-trente minutes de trajet. J’ai déposé un dossier pour avoir une carte vitale, normalement je vais l’obtenir mais ça fait huit mois que mon dossier est en attente. C’est déjà difficile, mais avec les centres qui ferment… C’est pas grave pour eux, ceux qui décident, mais c’est grave pour nous. »

Laurence, 44 ans « Nous n’avons plus de services de proximité »

« J’habite à Epinay. Normalement le centre n’est pas fermé, mais en fait, il est fermé pour travaux. Je crois qu’ils ne peuvent ouvrir que s’ils sont deux membres du personnel, c’est difficile à comprendre… Ce que je sais c’est que normalement c’est ouvert, que ce n’est pas ouvert, et que le distributeur dehors ne fonctionne pas. Du coup je dois aller à une autre antenne. Une fois j’ai pris la voiture mais avec les embouteillages j’ai fait demi-tour. J’ai dû prendre le bus, un tram, et un autre bus. Nous n’avons plus de services de proximité, ça devient une expédition. Moi, j’arrive à me déplacer mais pour les personnes qui n’ont pas de quoi payer les transports, ceux qui sont vieux, malades, fatigués, ça devient impossible. »

Karim, 49 ans « Les gens maintenant ont peur de faire des démarches. »

« J’habite à St Ouen et je suis obligée de venir ici. Il n’y a pas d’antenne de la sécurité sociale, alors que je suis dans un quartier où il y a beaucoup de personnes âgées. De toute façon c’est morose à St Ouen, on a l’impression de vivre sous un gouvernement FN ! Il y a vraiment une tension, pourtant il y a un maire qu’on connaît, qui a fait l’école avec nous, mais ça fait vingt ans qu’il veut avoir cette place, et là on ne le reconnaît plus. On a l’impression qu’il fait une chasse aux sorcières au lieu de s’occuper de la ville, maintenant qu’il est en haut… C’est toujours les économies, les économies sur le dos des mêmes, les socialo et Nico c’est pareil : c’est les chômeurs et les retraités qui trinquent. Les gens ont peur de demander ce à quoi ils ont droit. Ce n’est plus pour nous aider, c’est contrôler pour fliquer. C’est pareil à la CAF. Il y a eu plein de familles expulsées récemment à St Ouen, une cinquantaine de familles en un an, pour dettes. Du coup, les gens ici sont pauvres, endettés, ils ont peur de déposer des demandes à la CAF, à la Sécu, sinon on va leur tomber dessus, on va déterrer leurs mauvais dossiers, leurs dettes. Les gens maintenant on peur de faire des démarches, parce que les ¾ sont endettés. Les aides sociales, c’est pour contrôler les gens. Et en plus ces temps-ci on accueille toute la misère du monde, les réfugiés, et eux n’ont pas l’habitude d’avoir des droits, ils ne demandent rien. La société socialiste, chapeau !

Mohammed, 45 ans « Nous venons de la limite du 92. Le trajet est très long » et Djima, 38 ans « Je dois faire tout le temps la queue alors que j’ai une béquille et que j’ai du mal à me tenir debout »

Leïla, 26 ans « J’en ai marre qu’on nous traite comme des pestiférés »

« J’ai vraiment marre qu’on nous traite comme des pestiférés. Je suis sûre que ce n’est pas pareil dans le 16e… C’est toujours pire pour les pauvres, les coupes budgétaires c’est pour nous. J’ai déposé un dossier pour avoir un numéro de sécurité sociale parce qu’avant je travaillais à l’étranger, j’ai déposé un dossier en janvier, ils l’ont perdu, je l’ai redéposé en avril, on me dit qu’il faudra attendre probablement jusqu’à septembre. Je viens tout le temps, toutes les semaines pour essayer de presser ça, et j’en ai pour 45 minutes de queue à chaque fois… En attendant j’ai dépensé 300 euros de dentiste et je ne peux plus aller chez le médecin. Et surtout pour toucher mes allocations chômage il me faut un numéro de sécurité sociale. C’est la catastrophe pour moi. »

Madeira, 74 ans « On me renvoie sur Internet. Je n’ai pas Internet. » (Madeira se déplace en béquilles. Elle ne parle pratiquement pas français. On la renvoie aux traitements sur Internet, mais elle n’a pas Internet)

Abdellah, 45 ans « Je suis sûr que dans les beaux quartiers, c’est pas pareil »

« J’en ai assez. Je dois aller au centre social d’Epinay, mais c’est exceptionnellement fermé. C’est tout le temps exceptionnel. Je suis à la limite entre St Denis et Villetaneuse, donc je viens ici en voiture. La dernière fois je suis venu en voiture, mais je ne suis pas arrivé à trouver une place, j’ai tourné pendant une heure. J’ai dû revenir en bus. Ça me prend 2H en tout. En plus je ne peux venir que le jeudi et puisque c’est fermé le mercredi, le jeudi il y a beaucoup de monde. Je suis sûr qu’il n’y a pas autant de monde à Paris. Je suis sûr que dans les beaux quartiers, c’est pas pareil. »

La réalité que décrivent les usagers de la Sécurité Sociale dans le 93 est tout simplement catastrophique. Non seulement, les personnes les plus isolées, dans le besoin, sont confrontées à des services dématérialisés et incompréhensibles, mais pour les plus courageux-ses d’entre eux-elles, il faut bien souvent se confronter à des trajets interminables, des attentes en extérieur, et de fait, à un accroissement des tensions aux abords du guichet. Sans compter l’accroissement de la difficulté des conditions de travail de celles et ceux qui travaillent derrière les guichets !

Cette situation, intenable pour chacun des acteurs, est la conséquence directe des coupes budgétaires au sein de la CPAM 93, et des politiques d’austérité mises en place au sein de notre département. La responsabilité politique des élus départementaux, locaux, mais aussi des décideurs de la CPAM est grande, et elle doit aujourd’hui faire l’objet d’une confrontation sociale importante et massive.

Faut-il rappeler que la Seine Saint-Denis est le département où les cas d’extrême pauvreté sont les plus fréquents ? Faut-il rappeler que dans le 93, les dessertes de transport ne permettent par un ralliement efficace et rapide entre chaque ville ? Faut-il rappeler qu’en plus d’être un désert médical, on s’oriente vers un déficit croissant d’accueils sociaux ? Là où les problématiques individuelles et collectives sont les plus fortes, les plus visibles, l’Etat, de par ses agences, renforcent les inégalités.

Aujourd’hui, auprès de la population, le Parti de Gauche du 93 lutte pour que cette situation change et qu’enfin, une vraie réponse sociale, économique mais surtout humaine soit apportée.

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