L’élection de Jeremy Corbyn a été l’une des très bonnes nouvelles du week-end dernier. Qui pouvait imaginer cela il y a encore quelques mois ? Qui la pensait possible dans le pays qui a vu le début de la contre révolution libérale à travers le gouvernement de Thatcher et celui de la mutation de la social-démocratie en Blairisme social-libéral ? Cela traduit-il un « retour de gauche », de la gauche « réelle », en Europe ? Il faudra d’autres éléments pour le confirmer, mais si les succès et progressions de l’extrême-droite sont pour le moment encore plus marquants, il se passe clairement quelque chose de ce côté-là. Dans de plus en plus de pays, émergent des forces qui ne se battent plus pour atteindre des résultats électoraux à deux chiffres mais sont en mesure de conquérir le pouvoir : Syriza l’a montré en janvier dernier, Podemos pourrait en faire de même dans les mois à venir, le Sinn Fein est également en progression…
Cela confirme l’instabilité de la période, sa dangerosité mais aussi ses potentialités. Tous ces exemples confirment également que rien ne se fera sans l’implication citoyenne. L’élection de Corbyn en est également la preuve. A sa manière, à travers le prix modique d’une adhésion au Labour, c’est bien une ouverture citoyenne qui a bouleversé le très social-libéral Labour. La méthode qui vaut en Angleterre ne vaut pas forcément ailleurs mais l’objectif, lui, est le même. Il faut aller vers un mouvement citoyen dont les caractéristiques seront sans nul doute différentes selon l’histoire et les cultures politiques des pays mais le cap est celui-là.
Et la France dans tout cela ? C’est aujourd’hui la question favorite des médias : pourquoi ce qui est valable ici et là ne l’est pas chez nous ? Poser la question c’est avoir la mémoire d’un poisson rouge. A croire que trois années valent des siècles pour la médiacratie. Les 11%, soit plus de 4 millions de voix, de Jean-Luc Mélenchon à la Présidentielle de 2012 sont bien sûr à inscrire dans la même dynamique que celle des bons résultats énoncés plus haut. Et comme l’effet contagion existe dans l’autre gauche européenne on peut même dire que ce saut qualitatif du FDG en 2012 n’est pas pour rien dans la progression de l’autre gauche ailleurs. Chacun se nourrit des progrès des autres, l’inverse étant également vrai. Raison pour laquelle l’échec du gouvernement Syriza face à la Troïka faisait craindre que l’onde de choc s’inverse. Le résultat de Corbyn ce week-end est un élément rassurant. Ce qui le sera davantage est de ne pas en rester là. C’est pourquoi nous avons lancé mi-août l’idée du sommet internationaliste du plan B. Que cette idée soit devenue force matérielle avec la tribune signée par plusieurs ténors de l’autre gauche européenne (à lire ici) et l’annonce du sommet à la Fête de l’Huma est évidemment une autre des grandes satisfactions du moment.
Mais on ne peut évidemment s’en suffire. L’autre gauche française doit absolument marquer des points aux régionales, dernière étape électorale avant les Présidentielles. Sur le papier, jamais elle ne se sera retrouvée en situation aussi favorable pour faire des listes de rassemblements larges à même d’être en tête de la gauche voire de gagner des régions. Cinq régions voient aujourd’hui la probabilité de rassemblements citoyens et d’unité de l’opposition de gauche allant de EELV au FDG (tout ou partie) en passant par la NGS voire Nouvelle Donne : PACA, Auvergne Rhône Alpes, Nord Pas de Calais Picardie, Midi Pyrénées Languedoc Roussillon, Bretagne. Dans d’autres des discussions ont lieu : Bourgogne Franche Comté, Aquitaine Poitou-Charentes Limousin, Centre, Pays-de-Loire.
Pourtant il subsiste des blocages qui peuvent enrayer et même retourner cette dynamique. Ce serait impardonnable au vu des enjeux du moment et de l’absolu besoin de proposer une alternative à nos concitoyen-ne-s. Les études d’opinion en Midi Pyrénées Languedoc Roussillon, région où le rassemblement est le plus large, indiquent le potentiel de cette méthode puisque notre liste n’est plus très loin des 20%. Comme nous l’analysions, comme Grenoble l’avait déjà démontré aux Municipales, l’unité quand elle s’appuie sur des méthodes d’implication citoyenne volontaires peut amener au delà de la simple addition de nos électorats.
Le PG est, dans cette situation, plus que jamais décidé à faciliter ces rassemblements. Rien, surtout pas des problèmes de tête de liste, ne devrait empêcher ces occasions de se concrétiser. Même si la diversité des têtes de liste à l’échelle nationale est indispensable pour que les électeurs se retrouvent dans nos listes. Et qu’à fortiori aucun parti ne peut s’arroger toutes les têtes de liste. Voilà pourquoi nous avons proposé, et nous proposons toujours, le principe de binômes paritaires dont la couleur politique de la tête de liste administrative alternerait dans les régions.
Rassemblement donc mais aussi rupture et implication citoyenne : nos listes doivent trancher avec celles des partis dont le point commun est l’austérité, la politique de l’offre, le productivisme et l’adhésion à la 5ème République.
Voilà pourquoi également nous renouvelons nos propositions. Elles sont à même de répondre à ces besoins : en sus d’un programme de rupture avec l’ordolibéralisme et le productivisme, l’autonomie des partis du système, une charte éthique des candidats sur le modèle de celle de Midi-Pyrénées Languedoc Roussillon et la méthode des assemblées représentatives pour permettre d’indiquer les voies de l’avenir : un rassemblement qui dépasserait le simple cartel de partis. Ambitieux ? Pas tant que cela si on regarde notre responsabilité historique. Et finalement pas si difficile à atteindre puisque pour le coup, il ne tient qu’aux forces concernées de les mettre en application.
Eric Coquerel
Co-coordinateur politique