Crédit photo photosdegauche.fr (Stéphane Burlot)
La signification des résultats des élections locales espagnoles dépasse largement les territoires concernés et même l’Espagne toute entière. Les forces dominantes, conservateurs et sociaux-démocrates, tenants de l’austérité européenne, connaissent un recul historique. Même s’ils ne sont pas encore chassés, ils ne peuvent plus gouverner à l’abri du peuple. Dans ce mouvement de reconquête civique de la souveraineté, les deux plus grandes villes espagnoles, Madrid et Barcelone, jouent le rôle d’épicentre. C’est là que le mouvement des indignés, puis les marées citoyennes de lutte anti-précarité et de défense des biens communs, s’étaient massivement déployés. Et c’est ici que les démarches citoyennes soutenues notamment par Podemos réalisent les percées les plus spectaculaires : 32 % à Madrid et 25 % à Barcelone. Au point d’être en mesure de prendre la direction de ces deux grandes villes européennes.
Alors que la Grèce continue de refuser d’entrer dans le rang de l’austérité, cette nouvelle éruption espagnole montre que les bases politiques de l’ordre européen dominant continuent de se rétrécir. Contrairement à ce que prédisaient bien des commentateurs, l’extrême droite n’a pas pris la tête de ce chambardement en Europe. Les élections britanniques l’ont aussi montré. Le parti xénophobe Ukip n’a pas réalisé la percée prévue par les médias. Et les conservateurs ne doivent leur survie au pouvoir qu’à une stratégie d’affrontement renforcé avec l’Union européenne. Quant aux travaillistes, en se réduisant au rôle de défenseur modéré de l’ordre européen, ils ont été laminés comme jamais. Loin des illusions de rebond social-démocrate entretenues par Hollande en 2012, l’impasse stratégique de la social-démocratie se confirme.
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L’ordre européen actuel n’est pas réformable de l’intérieur. Il continuera par la force ou il implosera. Qu’il s’agisse de se soumettre à cet ordre ou d’y résister, seuls les acteurs qui affirment une volonté nationale sont désormais entendus par les citoyens. L’Allemagne de Merkel et la Grande Bretagne de Cameron mettent leur nation au service des intérêts du capitalisme financier. Un débat existe entre eux sur la manière dont les institutions européennes doivent le servir. Syriza en Grèce et Podemos en Espagne font au contraire de la reconquête de la souveraineté nationale face à l’UE l’instrument de la révolution citoyenne. La géopolitique des nations commande donc à nouveau la politique en Europe.