A peine l’université d’été du MEDEF refermée, le grand patronat français a donné une nouvelle preuve de sa haute moralité. Michel Combes, qui quitte la direction générale d’Alcatel-Lucent pour rejoindre SFR-Numéricable, s’est vu attribuer par son ancienne entreprise quelques 13,7 millions d’euros. Ce joli magot, composé essentiellement d’actions et de stock-options, vient récompenser un patron qui n’a passé que deux ans et demi à la tête d’Alcatel, mais a su relancer le cours de l’action en pratiquant la saignée : son plan de restructuration, baptisé « Shift », prévoyait la suppression de 10 000 postes, dont plusieurs centaines en France.
Cette rémunération a été fixée dans des conditions suffisamment troubles pour que l’Autorité des Marchés Financiers décide d’ouvrir une enquête. En effet, les modalités de la rémunération semblent avoir été négociées et modifiées au fur et à mesure, dans une certaine opacité, et non définies a priori et de manière transparente. La clause conditionnant le versement des actions à une présence de trois ans dans l’entreprise a été opportunément supprimée in extremis, au moment du rachat d’Alcatel par Nokia. De même, l’indemnité liée à la clause de non-concurrence a été votée peu avant le départ de M. Combes. Ces arrangements tardifs font que les actionnaires n’ont pas pu se prononcer en connaissance de cause sur la rémunération du dirigeant – une consultation pourtant recommandée par le « code de bonne conduite » AFEP/ MEDEF.
Une partie du patronat, gênée aux entournures, s’est empressée de dénoncer cette entorse aux « bonnes pratiques ». Mais c’était pour mieux faire oublier le problème de fond : celui des rémunérations obscènes. Emmanuel Macron a adopté lui aussi une stratégie de diversion. Interrogé sur le cas Combes, le ministre de l’Économie a trouvé « choquant » que celui-ci « quitte Alcatel alors que (…) le rapprochement avec Nokia n’est pas terminé ». Mais, il ne s’est pas ému de le voir empocher des millions. Plus audacieux, Stéphane Le Foll a appelé M. Combes à « garder le sens de la mesure ». Et Michel Sapin n’a pas hésité à lui recommander « un peu de bon sens, un peu de mesure, un peu de retenue ».
Face aux rémunérations obscènes, la fixation d’un revenu maximum par la loi constitue la seule solution. Mais le gouvernement, fidèle à lui-même, se contente de bonnes paroles et de molles admonestations. En attendant le prochain scandale.